MatsyendraNatha

Publié le par Christian Seneclauze

MatsyendraNatha
MatsyendraNatha
Oeuvre : MatsyendraNatha par Dinesh Shrestha

Matsyendranatha est né probablement au VIII siècle, son nom “matsya “signifie le pécheur, ce qui dans la tradition hindouiste le place dans une caste inférieure en principe indigne de recevoir les enseignements sprirituels.

Il existe plusieurs hypothèses de son lieu de naissance. Matsyendranāth, qui est considéré au Tibet comme un avatar d'Avalokiteśvara, était un pêcheur de Kamarupa situé alors dans l’ouest de L’ Assam. D'autres sources donnent son lieu de naissance comme étant le Bengale du Nord . Selon des inscriptions trouvées au Népal dans l'ancienne colonie Newari de Bungmati, la maison du Machhindranath Chariot Jatra, Il serait né dans la province de l’Assam actuel en Inde.

Dans les chapitres (patala) du Kaulajnananirnaya, on le nomme Matsyendra pada ou Macchaghna pada (tueur de poissons) pada est utilisé comme signe de respect. C’est probablement plus tard qu’on le désigna comme Matsyendranatha, le seigneur des poissons (natha signifie seigneur) et l’union de matsya “le poisson” et Indra (roi des dieux devient Matsyendra. Au Tibet, il était connu sous le nom de Lui-pa (le mangeur d’entrailles de poissons).

On le connait également sous les noms de Minanatha et Macchindranath, le maitre a été déifié et ce sont les noms des deux temples édifiés à katmandou et à Patan.


 

Dans la tradition, Matsyendranatha est considéré en général comme le premier guru ayant enseigné le yoga à la suite d'Adinatha qui n'est autre que Shiva,  (Adinatha signifie “celui qui commence). Le mythe de l'homme-poisson est un symbole pour désigner l'origine de la transmission, dans le même registre, Matsya (le poisson) est le premier avatar de Vishnu.


 

Dans la légende, Matsyendra était un enfant que ses parents considéraient né sous une mauvaise étoile. En conséquence, ils l'avaient jeté dans l'Océan Indien pour s'en débarrasser. L'enfant fut avalé par un poisson et grandit dans le ventre de celui-ci. Une autre version du mythe indique que Matsyendra était un pêcheur qui fut englouti par un gros poisson dans le golfe du Bengale. Dans les deux versions, le poisson nagea au fond de l'océan près de la demeure de Shiva où celui-ci enseignait les secrets du yoga à son épouse Parvati. Dans une troisième version, la scène se déroule au bord du lac Manasoravar, au pied du mont Kailash,

Si Shiva, donnait son enseignement au fond de l’océan, c’était justement pour éviter d'être écouté par d'autres. Matsyendra, le pêcheur est donc un initié qui reçut ainsi la transmission du hatha yoga et en devint de fait le premier détenteur.

Dans une autre version, Shiva prodiguait son enseignement à Parvati sur une plage. Matsyendra sous la forme de poison, c’est approché du rivage, a tout écouté, ce qui a déplu à Parvati. Il a donc du pratiquer des austérités pendant 12 longues années. Après quoi il est finalement sorti du corps du poisson et a ensuite rédigé le Kaulajnananirnaya tantra.

Certains érudits établissent des parallèles entre cette légende et l'histoire biblique de Jonas et la baleine.

Cette initiation fit de Matsyendranath le fondateur de la tradition du Nātha Yoga, un courant non orthodoxe de la tradition sidha, un mouvement religieux combinant des éléments de shaivisme, de bouddhisme, et Hatha-yoga, une forme de yoga qui met l'accent sur le contrôle de la respiration et les postures physiques.

Il aurait ensuite passé la précieuse connaissance à Gorakshanatha qui l'aurait plus largement diffusée. L'établissement du Natha comme mouvement historique aurait commencé autour du 8ème ou 9ème siècle. Ces deux maîtres sont aussi révérés dans le bouddhisme tibétain et on leur attribue de grands pouvoirs et une grande perfection spirituelle.

D’autre textes, le présente également comme le guru de Charpat Nath ou Carbaripa traditionnellement reconnu comme l'un des quatre vingt quatre Siddhas, les plus distingués.

Le nom de Matsyendranatha, tout comme Gorakshanatha, apparaissent sur les deux listes des neuf nathas (« maîtres »).

Il est également reconnu comme maitre shivaïste. Originaire de l’Assam, ses pérégrinations l’on mené au Cachemire en passant par le Népal . On le considère comme l’un des fondateurs de la voie Kaula, la voie de la Shaktie, la voie des yoginis .

Abhinavagupta, le grand maître du shivaisme du cachemire, né quatre générations après Matsyendranath, lui rend hommage dans le Tantraloka (œuvre monumentale et une sorte de synthèse du Shivaïsme du Cachemire) il souligne son apport à cette tradition en le désignant comme le “père du yoga”.

Un maitre de la lignée de Matsyendranath, Ambunatha, fut probablement l’un des d’enseignants d’Abhinavagupta.

Certains auteurs considèrent le tantrisme tibétain comme la cinquième voie du Shivaïsme du Cachemire. Matsyendranath, par ses voyages au Nepal, (lieu de rencontre spirituelle), son enseignement divulgué aux femmes et aux personnes de “castes inférieures” ( interdit à l’époque) le rend proche de la tradition bouddhiste et néanmoins détenteur de la tradition shivaïste, conforte cette thèse par ses apports aux deux traditions et cultures.

Les détails historiques de la vie de Matsyendranatha se perdent dans les légendes qui se sont développées autour de lui. Bien qu'ascète, il succomba, selon une légende, aux enchantements de deux reines du Sri Lanka et eut deux fils, Parasnath et Nimnath, qui devinrent les chefs de Jaïnisme.

Pour les tenants de la tradition du tantra shivaïste, il a épousé une mahasiddha, Koṃkaṇāmbā avec qui il aurait eu des enfants, eux même adepte du Kaula-Tantra Ils auraient, avec d’autres disciples du couple, maintenu et transmis leurs enseignements .

La Tradition Natha

Il est largement reconnu comme le gourou de Gorakshanath. Matsyendranatha et Gorakshanath ont fondé la secte connue sous le nom de tradition Natha (ou NathSampradaya) , un ordre d'ascètes religieux qui mettent l'accent sur la pratique du Hatha Yoga.

Ces ascètes sont reconnaissables, du fait que lors de la cérémonie d'initiation les oreilles sont fendues afin d'insérer d'énormes boucles d'oreilles. On pense que cette coutume affecte un important courant (nadi) de vie au niveau de l'oreille qui facilite l'acquisition de certains pouvoirs magiques.

La tradition Natha est une tradition siddha hétérodoxe contenant de nombreuses sous-sectes de l'Inde dont les membres luttent pour l'immortalité en transformant le corps humain en un corps divin impérissable. Il combine des traditions ésotériques tirées du bouddhisme, du shaivisme et du Hatha Yoga. Le terme est dérivé des noms des neuf maîtres traditionnels, qui se terminent tous par le mot natha (maître ou seigneur).

La secte Natha se compose de yogis dont le but est d'atteindre le sahaja, un état de neutralité transcendant la dualité de l'existence humaine à travers un éveil de l'identité inhérente du soi avec la réalité absolue. Ceci est accompli par la pratique de la kaya-sadhana (culture du corps), avec une grande emphase sur le contrôle du sperme, du souffle et de la pensée. Les conseils d'un gourou accompli (guide spirituel) sont considérés comme essentiels.

La tradition du Hatha Yoga, et donc du Nâtha constitue une voie à part entière. Elle intègre toutes les pratiques et tous les usages du yoga : les purifications (kriya), les nettoyages (neti), les postures (āsana), les souffles (prāṇāyāma), les ligatures (bandha), les gestes (mudrā), les fixations oculaires (dṛṣṭi), les formules énoncées (mantra) et les phonèmes monosyllabiques (bīja), la visualisation de diagrammes (yantra), la relaxation (nidrā), les massages subtils (nyāsa), les concentrations (dhāraṇā), le retrait des sens (pratyāhāra),

l’adoration (bhakti), les rituels (puja), l’action dans le monde (karma), l’étude des textes sanskrits (jñāna), la méditation (dhyāna) et l’absorption intérieure (samādhi).

Matsyendranat et Gorakshanath sont également vénérés dans le bouddhisme tibétain en tant que Mahasiddhas (grands adeptes) et sont crédités de grands pouvoirs et d'une réalisation spirituelle parfaite.

La tradition Kaula

Bien qu'il soit moins connu comme Maître de cette voie, on dit qu'il est l'un des fondateurs de la tradition Kaula puisqu'il est considéré comme l'auteur du Kaula-Jnana-Nirnaya ("Discussion des connaissances relatives à la tradition Kaula"), l'un des les premiers textes sur le Hatha Yoga en sanskrit. Les pratiques Kaula sont basées sur le tantra, étroitement liées à la tradition siddha et au shaktisme. Il a peut-être fondé la branche Yogini-Kaula. Cette secte tantrique tire son nom de son principal principe doctrinal, le kula. Cette kula est la Réalité ultime dans son aspect dynamique ou féminin, en tant que Shakti, spécifiquement kundalini-shakti. Le sens littéral de kula est "troupeau" ou "multitude" mais aussi, plus significatif, "famille" et "foyer". Ainsi, le terme évoque à la fois le sens de différenciation et de protection.

Le Kaulajnananirnaya tantra

Le Kaulajnananirnaya est un magnifique texte ésotérique, issu de l'une des plus anciennes traditions tantriques de l'Inde. Ses enseignements sont attribués au légendaire maître Matsyendranatha. La connaissance exprimée dans ce tantra va au-delà du genre et des castes. Les yoginis du Kaula sont la représentation féminine de notre propre énergie : diverse, exubérante et puissante, qui, lorsqu'elle est stimulée et harmonisée, nous conduit à notre propre centre.

Ce tantra qui avait été perdu au fil des siècles a été retrouvé récemment à la bibliothèque royale du Népal. Ce traité de sagesse a été rédigé en langage crépusculaire, comme beaucoup de tantras de l’époque, pour que seul les initiés puisse vraiment le comprendre, a moins qu’un maître éclaire le disciple.

 

Représentations divinatoires

Sato Machendranath, la statue rouge

Patan au Népal a conservé la mémoire de la présence du seigneur des poissons dans un temple nommé Rato Machendranath dans le village de Bungamati. Ce temple situé à quelques kilomètres de Patan, dans le même district de Lalitpur, fut fondé en 1673 dans la continuité d'autres temples qui furent érigés successivement sur le même site depuis 1408 et peut-être même antérieurement. Ce temple contient une statue rouge du dieu de la pluie appelé Rato Machendranath (le seigneur rouge). Il est dit que cette cérémonie remonte au roi Narendra Deva (640-683) qui l'institua en hommage au maître qui mit fin à la sécheresse destructrice.

La légende népalaise affirme que Goraksha vint s'établir pour un temps dans la vallée de Katmandou. Comme les habitants de la contrée ne lui avaient pas fait suffisamment d'offrandes, il captura tous les serpents de pluie de la vallée afin d'y produire une sécheresse. Devant cette calamité, les trois monarques de la région (les rois de Katmandou, Patan et Bhaktapur) décidèrent d'inviter le maître de Goraksha afin qu'il fasse revenir la pluie. Conformément à l'accord entre les trois souverains, Matsyendranatha devait être reçu à Bhaktapur, mais le roi de Patan réussit par la ruse à faire venir le maître dans son royaume. Lorsque Goraksha apprit que son guru était à Patan, il relâcha tous les serpents et partit à sa rencontre. Dès que les serpents de pluie furent libérés, la sécheresse prit fin. Depuis ce jour, Matsyendranatha est vénéré dans la vallée comme dieu de la pluie sous le nom de Machendranath en népali ou Bunga Dyah en néwari.

Le  Machendranath Bahal

Si le maître est représenté par une statue rouge à Patan (Rato Machendranath), il apparaît sous la forme d'une statue blanche à Katmandou : le Seto Machendranath.

Cette représentation de la divinité se trouve dans le temple appelé Machendra Bahal ou Jana Bahal  dans le centre de Katmandou au nord de Durbar square. Le Seto Machendranath est appelé également Janabaha Dyah en néwari, ou Karunamaya ou encore Avalokitesvara, manifestation de la compassion pour les bouddhistes.

Ainsi, dans le contexte népalais, Matsyendranatha est identifié à la fois comme le dieu de la pluie et le seigneur de la grande compassion. Dans le Machendranath Bahal, c'est l'aspect d'Avalokiteshvara qui est mis en avant. À ce titre, il apparaît sous 108 aspects différents représentés par 108 statues tout autour du temple.

Dans la cour intérieure,il y a un le petit temple où demeure le Seto Machendranath. Chaque année, le huitième jour avant la pleine lune du mois de tsaï, en mars ou avril de notre calendrier, les barai, prêtres bouddhistes néwar, viennent chercher la statue pour la grande procession qui permet aux habitants de Katmandou de bénéficier de l'influence spirituelle du bodhisattva.

Cette procession, selon une légende népalaise, tient au fait que Yama, étonné de ne voir aucun habitant de Katmandou venir aux enfers dont il est le maître, se rend lui-même sur Terre sous un déguisement. Reconnu par les hommes, il n'est relâché qu'à condition de leur promettre le salut. Yama appelle alors la divinité Matsyendranatha qui apparaît au lieu-dit Jamal : « Je suis Matsyendranatha, Karuna Maya, plein de compassion, faites-moi des offrandes et ceux qui me verront obtiendront le salut ». Le roi Ratna Mala, pour le bénéfice et le salut de tous, décida de présenter une fois par an Matsyendranatha à son peuple.

Le culte des 64 Yoginis

Parmi les nombreux lieux de dévotion de l’Inde, il existe quelques temples hindous tantriques du IXe siècle consacrés à l’adoration des 64 Déesses Yoginis qui, malgré leur importance pour la culture et la tradition hindoue, sont ignorées ou marginalisées par la majorité des spécialistes de la culture indienne. Ces temples tantriques étaient voués au culte Chaunsath Yogini (les 64 Yoginis) qui était pratiqué dans le cadre des écoles tantriques Kaula. Il existe des références historiques qui attestent que le culte et l’adoration des 64 Déesses Yoginis était largement répandu entre les années 800 et 1300 ap. J.C. On dit que les Yoginis appartenant au culte Chaunsath Yogini détenaient de grands pouvoirs paranormaux (des siddhis). Des vestiges de ce genre de temples sont disséminés dans le nord de l’Inde et, à de rares exceptions près, ils sont situés dans des endroits difficiles d’accès. On n’en trouve plus que quatre de nos jours, deux d’entre eux dans la région d’Orissa, à Hirapur et Ranipur, les deux autres à Khajuraho et Jabalpur (dans la région de Madhya Pradesh).

Peut-être que l’un des motifs pour lequel les Déesses Yoginis et leurs temples ont été négligé est le sentiment aigu de peur qu’elles peuvent inspirer aux non-initiés. Le plus souvent, les personnes habitant à proximité ne parlent de ces temples que du bout des lèvres, ou préfèrent même ne pas les mentionner du tout. D’autant plus qu’il existe une superstition qui dit que les Déesses Yoginis peuvent punir durement ceux qui s’approchent de leurs temples.

Chaunsath signifie 64 et symbolise les 64 Tantras qui, selon certains textes, ont été révélés par Shiva. Dans Agni Purana, Skandi Purana et Kalika Purana (Purana signifie « qui date du fond des âges »), cela indique qu’il s’agit d’un texte religieux hindou), il est fait référence aux Déesses Yoginis et à la relation de celles-ci avec la contrepartie féminine de Shiva.

Mattotara Tantra, l’un des 64 Tantras, clôt chaque chapitre par l’expression Yoginiguhya qui signifie « le secret des Yoginis ». Brahmananda Purana qui contient le fameux poème « Les mille noms de Lalita » se termine par la précision que quiconque fait connaître ce poème à des non-initiés sera puni par les Déesses Yoginis. De même, Jnanarnava Tantra nous dit que celui qui transmettra la connaissance sacrée et secrète des Tantras à une personne qui n’est pas initiée deviendra de la « nourriture pour les Déesses Yoginis ».

 

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